lundi 19 février 2018

Souvenir pour Lakévio

L'insaisissable étrangeté


couloumy annefrancoise 5
 Anne-Françoise Couloumy

"Il ne faut jamais éclaircir le mystère. De toute façon, un écrivain ne le pourrait pas. Et même s'il cherche à l'éclaircir de manière méticuleuse, il ne fait que le renforcer.
Patrick Modiano


N'ayez pas peur !
Je ne demande pas une dissertation en trois paragraphes sur la citation de Modiano !
Mais simplement d'écrire, à partir de la toile du jour, une histoire un peu, beaucoup, passionnément ...
ONIRIQUE ETRANGEMYSTÉRIEUSE...

Et le mystère s'épaissit... jusqu'à lundi !




Agnès n’avait que 10 ans quand elle  entreprit son premier grand voyage en compagnie de sa famille. Ils ont tout laissé, pris le train et traversé les Alpes pour venir dans le sud de la France, ce pays inconnu dont ils ne comprenaient même pas la langue. Ceux qui les y ont  précédés, les invitaient à les rejoindre.
 « Il y a du travail ici, disaient-ils »
 ( Ils avaient omis de dire combien il allait falloir travailler dur pour avoir un repas à peine correct et combien l’accueil des autochtones qui les traitaient de « macaronis » et autres noms d’oiseaux ne serait pas toujours bienveillant.)
Agnès avait souvent regretté ses camarades, l’immeuble dans lequel elle était née, bref les repères qu’elle avait dû quitter, elle avait eu beaucoup de mal à s’habituer à sa nouvelle vie. 
 Elle avait toujours rêvé de revenir voir les lieux où elle avait passé son enfance pour voir s’ils étaient aussi idylliques que le souvenir qu’elle en avait gardé.
Aussi, est-ce avec joie et beaucoup d’appréhension qu’elle faisait le voyage en sens inverse, 
40 ans après,  en compagnie de son mari.
Dans son village natal, son intense  émotion grandissait au fur et à mesure qu’elle approchait de  « son » quartier. Elle ne reconnaissait aucune des personnes qu’elle rencontrait, par contre, les entendre parler lui remettait en mémoire les années vécues là.
 L’accent chantant, l’intonation, étaient un vrai retour aux sources. 
Et, « Il » était toujours là,  l’immeuble dans lequel elle avait vécu, sa façade était un peu délabrée mais elle le retrouvait comme dans ses rêves. 
Elle se permit d’entrer.
 Là, plus rien n’était pareil, la cage d’escalier avait été repeinte, la couleur marron foncé des portes avait fait place à un joli bleu lavande, les murs aussi avaient changé de couleur.  
 Seule, la rampe de l’escalier était intacte, Agnès y revoyait ses frères glisser jusqu'au fond à califourchon  pendant qu’avec ses sœurs plus jeunes qu’elle, elle les regardait avec envie. Le grand silence qui régnait là, la ramena à la réalité, rien à voir avec les cris et les rires d’alors …
Sans le papier coincé dans l’embrasure de la porte, on aurait pu croire l’endroit inhabité.
 Curieuse, Agnès lut le petit mot griffonné : 
« SVP, ne frappez pas, mon bébé doit dormir jusqu’à 16 h ».
Quel changement ! sa mère n’aurait jamais écrit une chose pareille, elle et sa fratrie avaient été bercés par les bruits familiers (les femmes qui se parlaient d'une fenêtre à l'autre, le bruit des casseroles, du hachoir pour préparer le pesto,  des enfants qui jouaient, etc) qui n’avaient jamais empêché aucun d’eux de faire la sieste, bien au contraire.
Finalement, aurait-elle été plus heureuse si elle avait toujours vécu ici ?
Agnès remercia son mari de l'avoir accompagnée dans ce "pèlerinage", elle continuerait à garder un souvenir ému de son enfance là, mais, sa vie était ailleurs.

21 commentaires:

  1. ...bonjour tanette....

    Intéressant voyage vers les sources d'une vie...j'ai aimé suivre les pas d'Agnès....

    jolie conclusion: la vie est maintenant ailleurs....!

    bonne journée

    ly xx

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  2. tres beau texte chère Tanette, l'eternel problème de ceux qui ont changé de region, de pays, toujours dans leurs souvenirs, mais dont la vie est maintenant ailleurs , bonne semaine et grosses bises

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  3. Les souvenirs nous hantent
    Retourner sur son avant est parfois poignant
    Oui tu as raison
    Les dures épreuves nous forgent
    Et ils nous permettent de relativiser
    Bonne semaine
    Amicales pensées

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  4. j'aime beaucoup cette histoire de nostalgie de l'enfance et des lieux de l'enfance! ça me parle très fort :-)

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  5. Ton texte m'émeut, je pense à mes beaux parents qui avaient, par nécessité, quitté leur Italie natale et revenaient très chamboulés après chaque retour aux sources.
    Bisous à vous deux.

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  6. Belle histoire. On est souvent nostalgique du passé, et finalement on se rend compte que le présent n'est pas si mal...
    Bisous

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  7. On embellit toujours son enfance et la réalité est souvent plus agréable.

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  8. La boucle est bouclée ! Ce voyage lui aura permis de faire le point avec son passé et elle avancera encore plus sereinement maintenant dans sa vie ! joli texte !
    Je n'ose te suggérer une petite sieste .... gros bisous à vous !

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  9. Bravo pour ce texte de retour aux sources. j'ai la chance d'avoir encore à portée de voyage ma maison d'enfance mais les changements, arrangements, embellissements successifs n'ont pas la saveur des jeunes années.
    Merci, Tanette.

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  10. Au moins Agnès aura fait la démarche qui lui aura permis de faire le point sur sa vie et effacé les regrets.
    Oui, sa vie est ailleurs... et c'est très bien comme ça !

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  11. Merci Tanette pour ce joli texte, émouvant et qui sonne si vrai. Bises

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  12. Une histoire commune à beaucoup d'Italiens qui ont eu le courage de changer de pays et qui se sont très bien adaptés nous en avons beaucoup dans l'Est rien que dans ma rue il y a 4 famille ! lol
    gros bisous et bonne semaine
    MITOU

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  13. Qui n'a pas un rital dans sa famille ! C'est comme ça qu'on les appelait dans mon enfance. Mes neveux ont vraiment le type italien. Ils sont beaux...Ma belle-fille a encore de la famille italienne qui ne parle pas le français. Une fois/an, ils se retrouvent tous..Elle a hérité (ma belle-fille) la cuisine italienne, surtout les pâtes qu'elle fait toujours elle-même..
    Souvenirs, souvenirs, quand tu nous tiens. La dernière fois, il y a 6 ans, nous sommes allés pour la dernière fois où nous avions vécu jeunes mariés. La page est maintenant tournée. Mais, que parfois, elle est dure à tourner cette page..Maintenant, va me rester à tourner celle où je suis née...

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  14. Bonsoir Tanette, un texte captivant et sombre à la fois. le destin et la fuite d'Agnès et de sa famille me font songer encore plus fort que l'histoire se répète , hélas, bien trop souvent. Passe une superbe soirée !

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  15. ...bonjour tanette....

    Pacha est au courant de tout ce qui se passe en dehors...et dans la maison....toujours sur le qui vive prêt à avertir...;)

    bonne journée

    ly xx

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  16. Quel joli texte, plein d'émotions et de sensations.

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  17. Oh Tanette ! Quel joli texte.
    Ça me rappelle quad on participais aux plumes d'Asphodèle...tu te souviens...
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  18. ...merci Tanette pour tes bon souhaits de fête pour mon blogue...13 années qui sont passées trop vite....

    bonne journée

    ly xx

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  19. Un joli texte émouvant que j'ai eu beaucoup de plaisir à lire. Le retour aux sources est souvent nécessaire pour les gens déracinés, mais la vision n'est plus la même avec leur yeux d'adulte, ils pourront ainsi continuer leur vie en toute sérénité.

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  20. Revenir sur les lieux pétris de beaux souvenirs est toujours à risque. Le temps ne s'est pas arrêté et les choses changent... Sans compter que les regards d'enfant sont bien différents de ceux des adultes.Tout est surdimensionné, amplifié ou non vu. Alors, faut-il le faire ?

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  21. Très belle histoire, tu nous prends avec elle, comme si on y était!
    "La boucle est bouclée ! Ce voyage lui aura permis de faire le point avec son passé"
    Je suis retournée après presque 60 ans dans la ville et immeuble d'où je suis partie à 15 ans. Presque rien de changée ! Ils m'ont laissée entrer. Même la cafetière dans la cuisine était dans la même place! Et le chauffe-eau de la salle de bain toujours á bois!

    Sauf, que ce n'est pas une famille qui habitait la. Le logement est devenu un bureau. Jusque je suis entrée dans "ma chambre' d'enfant et mon coeur s'est arrêtée : un lit étroit en même place où j'avais jadis dormis.

    Seulement les Acacias coupées du bord de la rivière. La vie continuait sans moi.

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