Me voici assise sous ton portrait, ma chère maman, tu dois te demander pourquoi à cette heure, je suis encore en robe de chambre, ma tasse de thé à la main, la mine renfrognée, au lieu de m’occuper des bêtes comme à l’habitude. C’est qu’en quelques secondes toutes mes espérances sont détruites, mon travail de plusieurs mois, tous mes efforts, réduits à néant.
Après ton décès j’ai constitué un petit troupeau de chèvres angoras qui ont demandé toute mon attention et beaucoup d’investissement de ma part, je comptais présenter celle que j’ai baptisée Blanche Neige au concours des plus beaux animaux de l’élevage français lors du salon de l’agriculture qui vient d’ouvrir ses portes à Paris…
J’avais rendez-vous demain, mais hier justement, le portail de l’enclos est resté ouvert par mégarde et ma favorite (pourquoi elle ? ), est tombée dans la fosse à purin, j’ai réussi à la sauver certes mais, elle n’est plus du tout présentable et ferait fuir les visiteurs par son odeur pestilentielle… Tu minimiserais l’incident en me disant que tout n’est pas perdu, puisqu’il me reste le troupeau et la laine qu’il me procure, avec laquelle je gagne quelque sous….que la présentation de « blanche-neige » pourra avoir lieu l’an prochain, mais je tenais tellement à ce qu’elle soit primée, c’était pour moi une fierté, comme une récompense personnelle à laquelle je me raccrochais Je comptais agrandir le troupeau et ce label m’aurait bien aidée à promouvoir ma production de laine.
De plus, j’avais envie d’aller à Paris, de m’évader un peu pendant quelques jours, mes amis étaient prêts à prendre en charge le travail de la ferme, je pouvais leur faire confiance, ils viennent quelques fois m’aider et savent parfaitement ce qu’il faut faire…je n'en ai plus le goût, je vais rester ici et essayer de me consoler avec mon petit troupeau et l’affection que je porte à mes protégées qui me le rendent bien par leur bêlement joyeux dès qu’elles me voient arriver…