Ils étaient habitués aux grandes tablées.
Le
père et la mère avaient élevé leurs huit enfants…
Les revenus du ménage étaient
quelques fois insuffisants, mais ils pouvaient toujours compter sur le côté
« débrouille » du père qui, issu, lui aussi, d’une grande fratrie,
avait appris tout jeune à subvenir à ses besoins, avec tout ce que lui offrait
la nature.
C’est ainsi que, suivant les saisons, la chasse, la pêche, les
champignons, les salades, asperges,
poireaux, pommes, noisettes sauvages n’avaient aucun secret pour lui.
Toutes ses cueillettes ajoutées aux légumes de son jardin et aux volailles ou
lapins qu’il élevait lui-même avaient au fil des ans amélioré leur ordinaire.
Les enfants avaient grandi, s’étaient mariés. Certains emportés par leur
profession habitaient à l’étranger et il n’était pas aisé de rassembler tout le
monde autour de la table familiale. Pourtant à chaque fois que c’était
possible, au moins une fois l’an, on ne ratait pas l’occasion.
Aujourd’hui est un grand jour, tous les enfants et leurs conjoints, peut-être aussi
quelques petits-enfants seront présents. Chez les enfants, on retrouve les
lève-tôt, ceux qui ont prêté main-forte sitôt le petit déjeuner terminé, une
deuxième vague en fin de matinée, puis la retardataire, toujours la même, la
« bouche en cœur » arrive enfin,
quand l’apéritif est déjà servi…
Les parents le savent, chacun de leurs enfants
a gardé les habitudes conformes à son tempérament respectif.
Ce n’est pas grave, aujourd’hui, on n’est pas
là pour rendre des comptes, mais pour profiter chacun des uns des autres, du
plaisir d’être ensemble et de se souvenir des bons moments.
Les cousins se sont retrouvés, ils jouent, en attendant de passer à table,
sans se préoccuper des discussions autour d’eux.
La table (à laquelle chaque année on ajoute une rallonge) est installée à l’ombre
des pommiers.
Le repas est sobre, comme autrefois, l’essentiel est de revivre
les années passées, les faits marquants de l’enfance et d’échanger tout ce qui
rappelle la joie de vivre et l’amour
échangé.
Le père et la mère rajeunissent de quelques années grâce aux
évènements évoqués. Ils « boivent du petit lait » à la vue de leur
progéniture à nouveau rassemblée, et éprouvent une grande satisfaction devant
la réussite de chacun.
Les soucis sont oubliés, c’est à qui
racontera une anecdote que tous connaissent déjà, ils l’ont vécue ensemble et
les éclats de rire fusent grand train.
La fratrie rajeunie, les « tu te
rappelles » sont à l’honneur :
-
Toi, tu nous
proposais gentiment de garder nos bonbons en lieu sûr, nous te les avons
confiés jusqu’à ce que nous nous sommes aperçus que tu les cachais sous ton
oreiller et que tu les mangeais « en douce »
-
Et les colos,
vous vous souvenez des colos, moi j’étais allé à l’océan, j’ai ramené ma valise
intacte, je ne l’avais pas ouverte de tout le séjour, (j’avais 5 ans)….
-
Tous les matins,
pour nous réveiller, Papa, tu nous sifflais l’air de : « Les écoliers
laborieux… »
-
Maman tu avais
confectionné une tenue assortie pourcinq d'entre nous, lors de ma communion.
Tu attendais que nous soyons tous couchés et tu t’installais
devant ta machine à coudre…
-
Nous les garçons,
nous grimpions aux arbres pour récupérer les œufs de pie (considérées comme nuisibles)
afin de les vendre à la mairie qui nous récompensait avec quelques piécettes.
Autant vous dire
que la journée est passée bien trop vite…, quelques
heures passées à remonter le temps avaient remis du baume au cœur et, tous, joyeux, se
sont promis de se rencontrer à nouveau le plus tôt possible.