lundi 15 février 2016

Le jeu de Lakévio

Edward Hopper Four Lane Road



           J’ai travaillé toute ma vie dans cette station essence, au service des clients pour lesquels il faut tout abandonner, même la soupe que je croyais pouvoir manger tranquillement pendant qu’elle était encore fumante. Je suis las de cette vie au service des passants. Certains vous remercient d’un sourire, d’autres ont un air pressé et méprisant. Moi, je m’efforce de les accueillir gentiment et pourtant, j’ai mes soucis moi aussi, mais ils ne doivent surtout pas transparaître.

          Je me suis installé là, avec Berthe, il y a 40 ans quand nous nous sommes mariés. Nous étions heureux dans cette campagne, mon épouse était douce et gentille,  nous nous partagions la tâche, suivant nos disponibilités. Les années ont passé, nous n’avons pas eu d’enfant et Berthe s’est lassée de ce travail et de ce bel endroit. Elle a voulu que nous achetions un poste de télévision. Depuis que cet appareil est entré dans la maison, c’est l’enfer. Berthe y passe les ¾ de son temps, le temps restant, elle crie après moi..

           Madame voudrait habiter la grand ville, faire les boutiques,  jouer la grande dame, assister à des spectacles, au cinéma (le petit écran ne lui suffit plus). Comment voulez-vous que, dans le contexte actuel et compte tenu de mon âge, je trouve un emploi ailleurs….qu’ici. 

           De plus, je ne me vois pas coincé entre deux immeubles à supporter les bruits du voisinage, au moins ici, quand Berthe dort, je suis au calme, et, quand elle ne me voit pas, dans la journée, j’aime à m’asseoir là, sur le côté de la maison en laissant mon esprit vagabonder à sa guise…
Mais, ça y est, le rêve est terminé :
Arthur !..., il y a quelqu’un à la pompe…tu deviens sourd ou quoi ?

19 commentaires:

  1. Ainsi va la vie . . . . . !
    Savoir se contenter de ce que l'on a pas toujours facile !
    gros bisous et bonne semaine

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  2. tres beau texte, bien adapté à la situation, pas toujours un long fleuve tranquille, la Vie !! bonne semaine chere Tanette, bisous

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  3. Ce texte reflète bien la réalité de beaucoup de couples, hélas !!! Pauvre homme !
    Bisous ma belle et bon début de semaine Tanette.

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  4. Avoir l'imagination comme moyen d'évasion, c'est déjà beaucoup ! Les concessions du couple : l'un veut ceci, l'autre pas... Tranche de vie bien décrite.

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  5. Encore une belle interprétation !
    Non mais, elle ne peut pas bouger ses fesses au lieu de crier sur ce pauvre homme, hihihi !
    Gros bisous à vous deux.

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  6. Quelle imagination! On croirait que le peintre s'est raconté exactement cette histoire :) Bravo Tanette!

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  7. chacun dans son monde, j'ai aimer ton récit tout comme celui de Colette
    bises pour une belle journée

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  8. C'est le premier récit où je trouve un peu d'espoir.

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  9. Arthur est patient, Ernest impulsif !... Jolie tranche de vie bien réelle sur les désirs des uns et des autres et l'incompréhension qui s'installe.

    Ton billet sur Rocamadour est splendide. J'y suis allée enfant et je n'en garde pas de souvenir mais Brunette et sa famille y ont séjourné l'an passé.

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  10. pas beaucoup de clients et en plus ils arrivent au mauvais moment

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  11. Oui !!! hihi !! la vie qui passe mais avec des conséquences différentes pour les deux !

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  12. C'est drôle, dans beaucoup de versions c'est un couple sans enfants...

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  13. j'aime beaucoup ton texte Tanette... la douce cruauté d'une relation de couple qui s'éteint peu à peu!

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  14. Un très beau texte qui nous présente une tranche de vie mais j'attends la suite : Arthur va-t-il pouvoir rester à rêver ? Vont-ils partir pour la ville ?
    Bises et douce soirée

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  15. ....voilà une union qui s'effrite dangereusement....madame est vraiment insatisfaite...!
    bonne journée

    ly xx

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  16. Encore une interprétation intéressante et qui va bien au tableau. Et encore de la tristesse et de l'amertume.
    Si ça se trouve elle l'appelle car il se passe quelque chose d'extraordinaire à la télé ?

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  17. Après le texte de Praline, voici tout autre chose ! Le drame de la vieillesse, des questionnements, des regrets. Et puis, cette façon de s'accommoder de son sort en se créant des "lignes de fuite". En tout cas, bravo !

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